dimanche 12 juin 2011

LES PIEDS SUR TERRE








Emotions contradictoires.
Bonheur des retrouvailles.
Nostalgie de cette vie à part,
écart de route dans un chemin tracé au cordeau,
pincée d'étoiles sur un destin ordinaire.
Retour au bercail à reculons.

Tout est déjà trop loin.
Comme une vie que l'on aurait rêvée...


Merci de l'avoir partagée.




et on ferme la parenthèse.





K ceux-là ne tiennent




Avec l'arrivée du printemps
Voici venue l'heure du bilan
De cette année aux Canaries
Partagée avec nos amis.

Aussi, souvent je vous l'ai dit :
De voyager n'ai point envie
Mais ce séjour au paradis
En excellente compagnie
Me laissera ravi à vie.

Si tout ne va pas pour le mieux
De par ce monde merveilleux
Nos modestes aventures
Avec le vent dans la voilure
Et le bleu de la coque aux cieux
Laisseront beaucoup d'envieux.

S'il est une richesse je crois
Elle est d'avoir du temps pour soi
Voyager n'est pas une fin
Comme Voltaire le dit si bien
Il faut cultiver son jardin.

A peine ébauchée la préface
Déjà le souvenir s'efface
Le récit se finit, hélas
Nous laissant des regrets tenaces.

samedi 14 mai 2011

HORS SAISON

Quinze jours.





Quinze jours avant notre retour sur la terre.

Quinze jours sur un pointillé de terre entre Ibiza et Formentera : Espalmador.

Espalmador, îlot presque désert avant la ruée de la grande saison, promesse d'autres voyages, bientôt, à portée de voiles.




Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage, nous voici encore au paradis, à quelques milles de notre port d'attache...






et mesurons pleinement notre chance.



Juillet 2010 : Espalmador.

Nous partions des Baléares vers Carthagène, première étape de notre voyage vers les Canaries. La boucle est ainsi bouclée.





A bientôt.

mardi 3 mai 2011

LES AS DU DETROIT



C’était hier.
Presque un an.
Nous partions essuyer nos plâtres d’Atlantique et recevions notre baptême de l’eau dans le grand bénitier de l’océan. Ce fut un baptême salé.

De terre perdue en terres vingt fois retrouvées, nous avons égrené le chapelet des Iles Fortunées et n’en sommes pas revenus.
Ou plutôt si. Nous en sommes revenus.

Moins innocents, avertis de la houle qui allait nous submerger, la nausée nous faire chavirer, l’insomnie nous terrasser.

Petite flotte déjà mouillée, plaisanciers à la petite semaine et au fragile estomac, nous avons vaillamment repris le chemin à l’envers, deux pas en avant, un pas en arrière, repoussant de nos petits bras musclés et déterminés le courant qui nous portait au Sud, vers ces Canaries que nous n’aurions jamais dû quitter.




Nuits interminables dans l’attente du prochain quart qui ramène sous la couette, instant béni où l’on goûte le fruit défendu du sommeil sans trêve.
Frayeurs nocturnes lorsqu’on se prend à imaginer un calamar géant, jaillir des profondeurs abyssales ; sensation de vertige sur ce toit du monde sous-marin de plus de quatre mille mètres. Monstres d'acier qui nous frôlent, suivant leur route à l'aveugle.
Offensives cadencées et implacables des vagues qui nous boulèguent, comme un tirage du loto sans numéro sortant.
Supplice du cabinet d’aisance où le front se fracasse contre la porte d’en face, tandis que le dos subit les assauts répétés de l’abattant qui refuse de se soumettre.
Repas à l’auberge de la nouille qui danse et au grain de riz qui voltige. Les Choses prennent vie dans ce monde chaotique et désordonné…

Entraînement intensif dans notre centrifugeuse nautique : nous voilà prêts pour une mission dans l’espace…


Nos amies les plantes, qui se sont accrochées aux branches




Mais nous oublierons bientôt ces sept jours les plus longs de notre modeste odyssée maritime, et n’en retiendrons que le meilleur,  lorsque la nostalgie du voyage et le vague à l’âme du retour étreindront nos petits cœurs de marins d’eau douce : l'arrivée sur le détroit, Gibraltar de l'autre côté cette fois, au tournant de l'Afrique, sous les lumières de Tanger... 
La houle s'est arrêtée pour nous, ouvrant sa voie royale vers la fin notre aventure océane.






C’est la complainte du Bettyzou.
L'histoire de trois galériens de la plaisance qui ne supportaient pas la mer mais tenaient à leur morceau de bravoure…





lundi 25 avril 2011

VIATJE A ITACA


Per Jordi...



Quan surts per fer el viatge cap a Ítaca,
has de pregar que el camí sigui llarg,
ple d’aventures, ple de coneixences.
Has de pregar que el camí sigui llarg,
que siguin moltes les matinades
que entraràs en un port que els teus ulls ignoraven,
i vagis a ciutats per aprendre dels que saben.
Tingues sempre al cor la idea d’Ítaca.
Has d’arribar-hi, és el teu destí,
però no forcis gens la travessia.
És preferible que duri molts anys,
que siguis vell quan fondegis l’illa,
ric de tot el que hauràs guanyat fent el camí,
sense esperar que et doni més riqueses.
Ítaca t’ha donat el bell viatge,
sense ella no hauries sortit.
I si la trobes pobra, no és que Ítaca
t’hagi enganyat. Savi, com bé t’has fet,
sabràs el que volen dir les Ítaques.


Més lluny, heu d’anar més lluny
dels arbres caiguts que ara us empresonen,
i quan els haureu guanyat
tingueu ben present no aturar-vos.
Més lluny, sempre aneu més lluny,
més lluny de l’avui que ara us encadena.
I quan sereu deslliurats
torneu a començar els nous passos.
Més lluny, sempre molt més lluny,
més lluny del demà que ara ja s’acosta.
I quan creieu que arribeu, sapigueu trobar noves sendes.


Poème de Constantin Cavafis (1911)
adaptation de Lluis Llach

jeudi 21 avril 2011

ULTIMA

Archipel de Chinijo.


Cinq ilots saupoudrés comme de la poussière d’étoiles sur le toit des Canaries : Alegranza, Roque del Oeste, Montana Clara, Roque del Infierno et Graciosa, la gracieuse, seule terre habitée, cerise sur le gâteau canarien, que l’on déguste le plus souvent en entrée, après la toute première traversée, ou, comme d’autres, au dessert, sur le chemin du retour…




Du haut de sa falaise vertigineuse, sa muraille imprenable du Risco de Famara, Lanzarote toise sa petite sœur Graciosa de toute sa hauteur : le destin a uni les deux îles à jamais, et cette intimité ancestrale se noie dans les eaux du bras de mer qui sépare les deux îles, appelé « el rio », le fleuve.




La survie de Graciosa et de ses habitants est liée depuis toujours à la traversée de ce détroit : il n’y a pas d’eau sur ce paradis perdu, et c’était en bateau que les femmes de pêcheurs allaient autrefois s’approvisionner de l’autre côté, à la source adossée à la falaise. Cette falaise qu'elles escaladaient chaque jour de leur vie pour échanger le produit de la pêche contre les denrées qui faisaient défaut à leur morceau de terre aride recouverte de « jable » ou de volcans ; un périple journalier de vingt kilomètres qui les amenaient au village le plus proche sur Lanzarote.

Cette falaise au sommet de laquelle elles allumaient un feu, la nuit venue, pour commander à leur mari la traversée du retour. Cette falaise  dépositaire de l’or blanc, le sel,  utilisé dans la petite conserverie de poisson qui donnait aux habitants de Graciosa leur première source de revenus, au tout début de leur installation sur l’île, en 1880.



Peu de choses ont changé depuis ce temps-là sur Graciosa.
La fabrique de salaisons a fermé, les salines de Famara ne sont plus exploitées.
Les habitants sont restés.
Ils sont aujourd’hui aussi nombreux qu’en 1960 où l’île a recensé quelques 650 « graciosains ».



Un conduit apporte maintenant l’eau sous le détroit et le portable a remplacé les feux allumés sur la falaise qui prévenaient, selon un code très précis, les habitants de l’îlot d’événements familiaux survenus sur Lanzarote.

La principale source de revenus reste la pêche, même si quelques restaurants et logements saisonniers ont fleuri sur le port de Caleta de Sebo, seul village de Graciosa, où la plage s’insinue dans les rues, dorées comme le sable qui les recouvre.


Les anciens arborent contre vents violents et grandes marées leur chapeau tressé en forme de volcan. Comme un rituel immuable, ils sortent leur barque à l’aube à la rencontre de leur vieux complice, « el rio ».








Seule concession à la modernité, une impressionnante collection de véhicules tous terrains, convoyés depuis Lanzarote à dos de bateau de pêche…










Il n’y a pas de routes ici, seulement des pistes, et lorsque les 4x4 promènent leurs touristes d’un bout à l’autre de l’île, soulevant des gerbes de poussière blonde, Graciosa se donne un air de safari africain, petit bout de savane au milieu de l’océan.



Difficile d’imaginer les conditions de vie misérables de ces « pauvres pêcheurs » d’autrefois, qui couvraient leurs maisons d’os de baleine ou de débris de bois ramenés par la mer : on vient aujourd’hui à Graciosa pour sa douceur de vivre, ses plages désertes, son ambiance un tantinet new age.





On dit que certaines personnes sensibles souffrent d'angoisse face à ce colosse de roche ; mais il suffit de tourner le regard, faire quelques pas, et d'autres horizons s'ouvrent, infinis et libérateurs...






Avec toute notre amitié pour Eve-line et Jean-Claude, qui nous ont tenu la main, aux Baléares, pour notre départ vers le grand océan... et qui nous ont rejoint pour "boucler la boucle"...













... et pour Marisa, Chuchi, Elena et Miguel, nos amis de Salamanca, sans lesquels l'Espagne ne serait pas tout à fait l'Espagne...





Demain, le retour et l'adieu au îles Canaries.
Merci.








mercredi 16 mars 2011

ECOLE BUISSONNIERE



En sortant de l'école





nous avons rencontré

un grand chemin de fer

qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré.




Tout autour de la terre

nous avons rencontré

la mer qui se promenait

avec tous ses coquillages
ses îles parfumées







et puis ses beaux naufrages




et ses saumons fumés.






Au-dessus de la mer

nous avons rencontré

la lune et les étoiles

sur un bateau à voiles









et les trois mousquetaires des cinq doigts de la main





tournant la manivelle d'un petit sous-marin

plongeant au fond des mers

pour chercher des oursins.







Revenant sur la terre

nous avons rencontré

sur la voie de chemin de fer
une maison qui fuyait
fuyait tout autour de la terre





fuyait tout autour de la mer

fuyait devant l'hiver

qui voulait l'attraper.





Mais nous sur notre chemin de fer

on s'est mis à rouler

rouler derrière l'hiver
et on l'a écrasé
et la maison s'est arrêtée
et le printemps nous a salués.





C'était lui le garde-barrière

et il nous a bien remerciés

et toutes les fleurs de toute la terre

soudain se sont mises à pousser
pousser à tort et à travers











sur la voie de chemin de fer

qui ne voulait plus avancer

de peur de les abîmer.



Alors on est revenu à pied

à pied tout autour de la terre




à pied tout autour de la mer





tout autour du soleil








de la lune et des étoiles




A pied à cheval en voiture et en bateau à voiles.




Jacques Prévert...


Un grand merci :

aux Cactus qui ont bien voulu participer à cet article (plus de 1400 espèces différentes à admirer dans le Jardin des Cactus de Lanzarote)

aux volcans de Timanfaya qui ne cessent de répandre leur sable noir pour conserver l'humidité des sols, là où il ne pleut que lorsque la famille vient nous voir

aux viticulteurs de la Geria pour les décors en extérieur (et l'entretien des murs de pierre qui protègent les vignes des alizés)

aux habitants d'Arrecife, qui se sont donné beaucoup de mal pour coller au texte de Jacques Prévert et ce n'était pas facile (pendant le Carnaval des Canaries )

à nos frère, belle-soeur et nièce qui auront été les plus courageux et bravé en éclaireurs les océans pour nous retrouver

à Lanzarote qui nous en a mis plein la vue après La Palma, El Hierro, La Gomera, Tenerife, Gran Canaria et Fuerteventura, alors que nous pensions avoir fait le plein  d'étonnement...